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02/27/2025
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Divers
Réemploi des bouteilles : Chaque jour la filière se structure
Où en est-on de l’engouement des vignerons bio pour la consigne des bouteilles ? Même si la dynamique progresse tranquillement, la filière s’implique avec les acteurs du réemploi afin continuer de lever les freins.
Une petite centaine de vignerons bio sont impliqués, en France, dans une démarche de réemploi en 2024, d’après les onze opérateurs rassemblés chez France consigne (1). « Biocoop a été la locomotive de la distribution – et continue à référencer de plus en plus de cuvées avec bouteilles réemployables », affirme Anne-Claire Degail, gérante d’Oc’Consigne, Scop travaillant pour le déploiement du réemploi du verre dans l’ex-Languedoc-Roussillon. Sudvinbio est d’ailleurs partenaire de la structure pour promouvoir la consigne auprès de ses adhérents et à Millésime Bio. « Et tous les ans nous observons de nouveaux vignerons engagés », indique Marius Sans de Sudvinbio. « Nous notons néanmoins une baisse de l’engouement, connu en 2022, lors de la pénurie du verre, continue Anne-Claire Degail. Et si, pour certains, le réemploi aide à se démarquer commercialement, d’autres sont bloqués par la crise économique et n’ont pas l’énergie pour se lancer. » Selon Charlotte Delpeux, chargée de communication chez Bout’ à Bout’, opérateur du réemploi dans le Grand Ouest, « la dynamique est quand même là. La stabilisation des cours du verre est un fait, mais on peut encore être compétitif avec le réemploi, tout dépend bien sûr des volumes engagés, des types de bouteilles ». Dépendants moins des coûts de l’énergie et des matières premières, les tarifs du lavage sont beaucoup plus stables que ceux du recyclage ou de la création du verre. « On voit que des vignerons passent d’une à deux gammes, ou se lancent dans le 100 % réemployable, indique Aude Dudouit, responsable commerciale marché vins chez Bout’ à Bout’. L’arrivée en outre dans la démarche de grandes maisons viticoles et de caves coopératives est un moteur, montrant que cela est possible. »
Et bientôt une obligation
Sans oublier que le réemploi devient aujourd’hui en partie obligatoire, avec la loi Agec – Anti-gaspillage pour une économie circulaire –, stipulant que tous les opérateurs mettant sur le marché plus de 10 000 unités de produits emballés par an, doivent avoir 10 % d’emballages réemployés mis sur le marché en France en 2027. Mais le sujet reste complexe, car parallèlement, au niveau européen, le règlement sur les emballages et les déchets d’emballages PPWR (Proposal Packaging and Packaging Waste Regulation), publié fin 2024, exempte des objectifs de réemploi le secteur des vins et des spiritueux. « Cependant, la PPWR prévoit que les États membres peuvent, sous certaines conditions, fixer des objectifs plus ambitieux sur leur territoire que ceux prévus par la PPWR. La commission européenne publie, en même temps que le règlement, un document FAQ, où sont précisées les conditions dans lesquelles s’exerce cette flexibilité pour les États membres », éclaire Lucia Pereira, directrice des affaires règlementaires de Réseau Vrac et Réemploi.
Si les signaux sont positifs côté consommateurs – 88 % des Français seraient favorables à la mise en place d’un système de consigne selon une étude Ifop en novembre 2019 – pour Anne-Claire Degail, le boom du réemploi viendra avec l’implication des GMS. « Or, pour le moment, il n’y a aucune obligation légale pour les GMS de s’y mettre. Si la loi Agec était renforcée avec l’obligation de référencer des produits réemployables et d’être point de collecte, je pense que nous avancerions. »
Grande mobilisation des GMS dans l’Ouest
Pourtant des initiatives se mettent en place. L’éco-organisme Citéo lance le programme ReUse, avec notamment une grande expérimentation dans les régions Pays de la Loire, Bretagne, Normandie, Hauts-de-France. Régions qui sont d’ailleurs déjà très dynamiques sur la question du réemploi, avec, rien que dans le réseau de Bout’ à Bout’, 300 points de collecte dont 20 GMS. « L’ambition est de proposer, en mai 2025, des produits dans des contenants consignables, dans 1 200 GMS de ces quatre régions, décrit Mehdi Besbes, responsable marché vins et spiritueux chez Adelphe, une filiale de Citéo. Citéo a proposé six références d’emballages réemployables, pour boissons soft, bières et bocaux. » Sans oublier qu’il en existe déjà plusieurs. Des appels à projets sont lancés offrant de nombreux financements : équipements de collecte, visibilité en rayon, création de parcours de retour simple, acheminement vers le lavage… « Nous espérons un basculement dans la démarche du réemploi suite à cette initiative », confie Charlotte Delpeux de Bout’ à Bout’. À voir comment la filière vin va s’approprier ce programme.
Créer une référence en bouteille de vin
La loi Agec demande également aux éco-organismes d’élaborer des standards réemployables à mettre sur le marché. « Nous y travaillons pour la filière vin avec les interprofessions, le négoce, des syndicats, assure Mehdi Besbes. Le sujet est plus compliqué pour cette filière, connue pour la diversité des bouteilles utilisées. » Le groupe de travail se penche sur les formats et teintes de bouteilles, la façon d’identifier rapidement que la bouteille est réemployable, la résistance, le nombre de rotations possibles, la dimension de la bague, la cadence d’embouteillage, la possibilité d’être lavée dans l’ensemble des centres de lavage... « Nous espérons pouvoir proposer quelque chose d’ici fin 2025, mais les enjeux marketing ne sont pas si simples. » Un travail sur le poids de la bouteille est aussi au cœur de la réflexion. « Mais cela demande de nombreuses expérimentations pour réussir à combiner une bouteille légère mais résistante au lavage. » Pour Anne-Claire Degail, il s’agit d’un point clé : « avoir une bouteille pouvant servir à la fois au réemploi ou à l’usage unique serait un levier pour que la filière y aille plus massivement, tout comme avancer sur la définition d’une bouteille de vin garantie réemployable par les verriers, ce qui n’existe pas encore. »
Quid de l’export
Évoqué par de nombreux vignerons, l’export est en effet un frein pour se lancer dans le réemploi. « Pourtant des initiatives émergent, confie Aude Dudouit. Une productrice avec laquelle nous sommes engagés évoque le sujet avec son importateur américain. Afin de voir si une bouteille réemployable en France pourrait intégrer un circuit de réemploi au sein de la Silicon Valley. » Le taux de retour des bouteilles est encore le point déterminant à améliorer. Et ce, pour assurer un volume de contenants réemployables conséquents sur le marché, évitant à terme l’achat de bouteilles neuves pour les gammes en réemploi. « L’attachement à la forme de la bouteille est aussi un élément freinant », rajoute Aude Dudouit. Pour cela, le lavage à façon peut être une première étape avant d’intégrer le réseau mutualisé du réemploi. Plusieurs opérateurs du réseau proposent ce service. Développer des parcours de retour faciles, continuer de sensibiliser les consommateurs, rassurer sur la qualité du lavage et du mirage sont également évoqués. Du pain sur la planche donc, mais on ose espérer que, petit à petit l’évidence de la démarche, sautera aux yeux de tous.
Frédérique Rose (Vitisbio)
(1) Bout’ à Bout’, Consign’up, Distro, Haut la Consigne, J’aime mes bouteilles, La consigne de Provence, l’Incassable, Ma bouteille s’appelle reviens, Oc’Consigne, Pampa Consigne, Revera (fusion de Rebouteille et Alpes Consigne). Plus d’infos sur franceconsigne.fr.
((Crédit Bout’ à Bout’))
Photo 1 - L’usine de lavage multi-contenants de Bout’ à Bout’ a une capacité maximale de lavage de 60 millions de bouteilles par an. En 2024, 1,3 million de bouteilles ont transité dans ses circuits.
Photo 2 - Augmenter le taux de retour des bouteilles est un point primordial pour assurer l’essor du réemploi.