Les couverts végétaux sont une pratique agricole qui existe depuis une trentaine d’années. Cette technique, alternative au désherbage mécanique et à l’enherbement pour la réduction d’usage d’herbicides, consiste à cultiver des plantes, souvent non destinées à la récolte. En viticulture, ces plantes ont commencé à être utilisées il y a vingt ans. Leur objectif ? Couvrir le sol entre les rangs de vigne pour améliorer sa structure en vue de favoriser la biodiversité.
La Magie des Couverts Végétaux : Transformer la Compaction des Sols en Terroirs Structurés
Pour Sébastien Rieublanc, Responsable Pôle Technique R & D et Service de “Idéea by CIC Nau agriculture” :
« Nous constatons aujourd’hui qu’avec les grands épisodes de sécheresse, les sols se compactent de plus en plus et ce, quel que soit le terroir. Avec la technique des couverts végétaux, nous limitons ainsi les impacts négatifs en décompactant les sols. »
En effet, autour des racines, les micro-organismes sont très actifs et produisent du mucus qui agglomère les particules de terre en grumeaux : c’est l’effet structurant. Une structure grumeleuse laisse pénétrer l’eau et la retient ainsi dans le sol.
Les atouts de cette méthode
Les intérêts sont avant tout agronomiques. On peut ainsi constater des effets nutritionnels, protecteurs et structurant des sols comme nous le précise Sébastien Rieublanc :
« Le roulage se fait à partir d’avril, ensuite on laisse le paillage se dégrader ce qui va limiter les mauvaises herbes, optimiser la structure du sol et limiter l’érosion grâce au système racinaire qui se développe et qui continue de travailler le sol. Le système racinaire fasciculé permet de bien retenir les agrégats du sol tout en pompant l’eau. On optimise ainsi la vie du sol en la rendant plus efficiente. On maintient également une biodiversité de faune et de flore très riche. De plus, si on choisit une coupe fine, le mulchage permettra de broyer les plantes, libérant ainsi de petites particules qui fermenteront et minéraliseront, libérant un azote « coup de fouet » que l’on va enfouir immédiatement et qui sera assimilable tout de suite par le sol. Les couverts permettent également de créer un « engrais vert », le carbone lent, « cellulose lignine » et carbone rapide, « sucres ». »
De plus, selon certaines études récentes, il semble que cette pratique, outre la limitation de l’entretien des sols, permette une réelle optimisation des rendements et soit très efficace sur certaines maladies et ravageurs… notamment les adventices de début de cycle.
En outre, il convient de noter que cette approche constitue également un outil de communication hautement efficace, étant donné que la promotion de la biodiversité et la réduction de l'usage d'engrais chimiques figurent aujourd'hui parmi les principales préoccupations des consommateurs.
Quelques ombres au tableau
Dans le choix de plantation de couverts végétaux, Il ne faut pas négliger le coût qu’impliquent plusieurs passages de machines dans les rangs, notamment pour le semis, la tonte, le broyage, etc. Cela nécessite en effet, un minimum de matériel pour la destruction : tondeuses, disques…
Il est aussi important de noter que ce système peut concurrencer les ressources, l’eau et les nutriments pour la vigne, ce qui nécessitera une gestion attentive de la part du vigneron.
Enfin, selon le Bureau Interprofessionnel des vins de Bourgogne, les herbes épaisses entre les rangs conserveront l’humidité, augmentant la possibilité de risque de gelées tardives de printemps.
Et une fois cette période de gel passé, lors des premiers traitements phytosanitaires, alors que les couverts végétaux ne sont pas encore au bon stade pour être broyés, leur présence pourrait empêcher les produits d’atteindre les pieds de vigne.
Et en pratique, ça se passe comment ?
Aujourd’hui, pour la vigne, il existe trois grandes espèces de plantes destinées aux couverts végétaux. Les graminées comme l’avoine, l’orge, qui explorent de façon latérale les sols permettant de retenir les agrégats et de pomper l’eau. Les trèfles (plantes mellifères qui peuvent donner du miel, si associées à des ruches) et légumineuses qui vont capter l’azote atmosphérique pour le restituer sous forme organique. Et enfin les crucifères, comme la moutarde, les radis, qui par leurs racines pivotantes vont capter les formes insolubles de potasse et de phosphore.
On sèmera le mélange que l’on aura choisi de fin aout à fin octobre, selon le terroir et la date de fin des vendanges. Les plantes pousseront ainsi jusqu’en mars et soit le viticulteur va rouler et enfouir en 2ème partie de saison le couvert végétal, soit couper court et l’enfouir immédiatement ou juste effectuer un roulage sans détruire le couvert.
Spécificités dans les vignes étroites bourguignonnes
Les vignes étroites de Bourgogne jouissent d'une renommée bien méritée en raison de leurs caractéristiques viticoles uniques. Dans cette région, l'adoption des couverts végétaux revêt des particularités significatives. En effet, du fait de la configuration étroite des rangs de vignes, l'implantation des couverts végétaux peut s'avérer une entreprise complexe. Cependant, il est courant de privilégier des espèces végétales à croissance réduite, telles que le trèfle, les crucifères, et certaines légumineuses, en raison de la hauteur plus limitée des vignes en comparaison avec d'autres régions. Cette préférence pour des espèces de petite stature s'explique par la nécessité d'éviter tout encombrement des opérations viticoles courantes, telles que l'utilisation de tarières, les travaux de pré-taillage, ou la distribution d'amendements.
Ainsi, les couverts végétaux représentent un outil polyvalent pour la viticulture, offrant une réponse aux défis environnementaux actuels. En comprenant les avantages et les inconvénients et en adaptant la méthode à leurs besoins, les viticulteurs peuvent exploiter pleinement le potentiel de cette technique pour cultiver des vignes durables et de qualité, tout en préservant l'identité viticole de leur terroir.
30/10/2023